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La guerre à la Syrie est déclarée
Le soutien aérien au faux califat renforcé
mardi 8 septembre 2015, par
La France envoie officiellement des avions pour "bombarder Daech", nous informe-t-on ce matin (8 septembre 2015, France Inter, Francetvinfo). A peine cette information donnée, suit une réserve quant à la "complexité" de l’opération : les terroristes de Daesh se fondent dans la population civile, nous explique-t-on ; il sera donc très difficile de les bombarder sans faire de victimes innocentes, ce qui est bien entendu totalement exclu. Comment va donc procéder l’aviation française ?
Que nos commentateurs se rassurent : les avions français ne bombarderont pas les villes où les mercenaires du faux califat tiennent garnison, et sans doute ne les bombarderont-ils pas du tout, d’ailleurs.
Si l’on en croit les cartes que l’on trouve ici ou là, plus ou moins précises, plus ou moins concordantes, les mercenaires du faux califat occupent un territoire largement constitué de désert. Leurs approvisionnements, qu’ils proviennent de Jordanie ou de Turquie, ou même d’Irak, empruntent nécessairement des routes à découvert sur des distances considérables. Leurs convois militaires eux-même, qu’on nous a trop souvent présenté en photographie lorsqu’ils arrivaient triomphalement dans telle ou telle ville, n’ont pas semblé inquiétés le moins du monde par la menace de bombardements.
- La carte de Thomas Van Linge
- La carte etablie et mise a jour par Thomas Van Linge, reputee la plus exacte et la plus precise.
Quelques « experts » invités des plateaux de télévision expliqueront sans doute que ces déplacements se sont fait « en secret », voire « de nuit », et aucun journaliste ne leur demandera s’il n’y a pas des agents de renseignement qui surveillent, des images satellite, des avions de reconnaissance équipés de caméras à infrarouge ; de tous ces moyens de guerre ultra-modernes dont on nous fait la publicité régulièrement, il ne sera pas question dès lors qu’il s’agit d’accréditer la fable de Daech qui occupe un territoire immense sans rencontrer d’obstacle majeur.
La « théorie du complot », en l’occurrence la théorie selon laquelle le faux califat est en réalité une armée de mercenaires chargée de réaliser le plan Wright-Juppé (ou Clinton-Juppé, si l’on considère Robin Wright comme un second couteau) pour le compte de l’Empire, reste donc la plus vraisemblable, d’autant qu’elle est parfaitement cohérente avec les propos du député Alain Marsaud, que je commentais dans une brève le 3 septembre et que personne parmi nos commentateurs intelligent n’a comprise. Il préparait pourtant simplement l’opinion publique à entendre l’idée, qui va être exprimée de plus en plus souvent, que le faux califat vaut mieux que l’ignoble Bachar El Assad [1].
La suite des évènements pourrait ressembler à ceci : nos avions vont bombarder des zones qui, faute de réellement causer des dommages au faux califat, empêcheront réellement les forces armées syriennes d’aller les combattre sur le terrain.
Puis, une fois les fronts à peu près conformes au plan Wright, les forces armées du faux califat subiront des défaites bien plus rapides que leurs victoires le furent. Un « sunnistan » dont le nom reste à définir avant de le vendre à l’opinion, sera reconnu par les diplomaties de l’Empire et de ses vassaux, un gouvernement démocratique sera désigné on ne sait trop par qui, puis des élections seront organisées pour consolider les apparences.
Que deviendront les égorgeurs du faux califat ? On peut parier qu’ils seront en partie intégrés à l’armée régulière de ce « sunnistan ». Les éléments les plus fous ou les plus incontrôlables seront peut-être envoyés dans le Caucase (nous devrions bientôt entendre parler de terroristes « islamistes » dans cette région).
Quant à ce qui restera de la Syrie, son sort est bien difficile à évaluer à l’heure actuelle. Il semble que la destitution de Bachar El Assad ne soit plus à l’ordre du jour, d’abord parce que la tentative de le faire a échoué et qu’il faut être d’une stupidité totale pour persister à croire cette option possible ; parce que la Russie n’est pas prête à accepter la destruction totale de son allié dans la région (et qu’en pratique le renversement d’El Assad par son opposition n’a jamais été qu’un mythe). Mais la partie la plus urbanisée et la plus peuplée de la Syrie, celle qui est toujours sous le contrôle de l’armée Syrienne, n’est pas ce qui intéresse le plus l’empire : si, comme le soutient le Major Rob Taylor, instructeur à Fort Leavenworth, il s’agit de permettre au projet de gazoduc du Qatar vers l’Europe via la Syrie et la Turquie, et qu’un renversement d’El Assad n’est plus à l’ordre du jour, alors l’essentiel est de créer un état fantoche, aussi désertique que possible, et si possible de confession sunnite pour faciliter l’entretien de relations conflictuelles avec le trop puissant Iran ou le Hezbollah.
Les évènements des mois à venir nous diront si nous voyons réellement se mettre à exécution le plan Wright ou si la guerre perdure, les moyens engagés contre l’armée syrienne restant insuffisants pour aboutir. Le plus invraisemblable serait que le faux califat soit réellement écrasé sans que soient remises en cause les frontières de la Syrie ou sans que Bachar El Assad soit assassiné dans des circonstances semblables à Mouammar Kadhafi ou Saddam Hussein. L’implication de la Russie -sous une forme et un degré inconnus à ce jour, puisqu’ officiellement inexistante- sera l’élément qui déterminera cela. L’administration Obama n’a sans doute pas pour projet une escalade incontrôlable de la tension avec la Russie, et ceci expliquerait le changement de stratégie de l’Empire observé en Syrie ces dernières semaines.
[1] En la matière, Bernard Guetta s’est surpassé ce mardi 8 septembre, en prêtant à ce dernier des ignominies dont seuls les Boches étaient capables en 1914, selon la propagande française de l’époque.