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Les mots sont importants
Je suis un "djihadiste"
Pour essayer d’en finir avec la déformation du sens des mots
jeudi 10 septembre 2015, par
L’utilisation du mot « djihadiste » comme synonyme de « terroriste » est devenue systématique, à droite comme à gauche, chez les islamophobes comme chez les laïcs, chez la plupart des islamophiles voire chez les musulmans eux-mêmes. Ce dévoiement du sens des mots m’insupporte. Je m’efforce depuis quelques temps de ne jamais commettre ce contresens, et j’entre aujourd’hui en bataille -idéologique, je le précise pour éviter tout faux procès- pour réhabiliter le vrai sens du « djihad ».
La démonstration tient en peu de phrases : le mot « djihad » signifie « effort ». Sur ce point, il n’y a pas débat, tous les interprètes sont d’accord.
Dans le sens du Coran, le « djihad » désigne « l’effort pour se rapprocher de Dieu ». Là encore, il me semble que la plupart des exégètes sont d’accord.
L’histoire de l’islam, du moins ce qu’on en connaît [1], laisse peu de doutes quant à l’interprétation à donner de cela : les musulmans considèrent Muhammad comme le dernier des prophètes du monothéisme.
« L’effort pour se rapprocher de Dieu » est donc exactement le même que celui des chrétiens. C’est d’abord l’effort contre ses pulsions. C’est un effort intérieur, un effort contre soi (là encore, la plupart des exégètes sont d’accord). C’est l’effort que doit accomplir tout croyant pour obéir aux règles d’une morale qui par définition contredit les pulsions naturelles.
Celui qui tend aussi la joue gauche quand on le frappe sur la joue droite, celui-là mérite l’appellation de « djihadiste ».
Je n’épiloguerai pas sur la notion de « djihad mineur » qui, n’en déplaise aux divers islamophobes qui caviardent Wikipedia [2], est en incohérence totale avec l’idée précédente : s’il existe un « effort mineur pour se rapprocher de Dieu », il ne peut s’agir d’un chemin radicalement opposé et qui prônerait l’un des péchés capitaux de l’Islam : le meurtre. [3]
Il n’existe qu’un « djihad » et tout le reste n’est que le début d’un renoncement à ce « djihad » en renversant le sens des mots à la façon de la novlangue : « La guerre, c’est la paix. La liberté, c’est l’esclavage. »
Comme l’écrivait Frédéric Poncet il y a quelques temps en note de bas de page dans un autre article, « djihad » ne signifie pas « guerre sainte » et les mercenaires du soit-disant "daech", par la soumission à leurs pulsions morbides (et sexuelles) en pratiquent l’exacte antithèse.
Que les vrais djihadistes se lèvent et revendiquent fièrement leur djihad !
[1] Il semble qu’il y ait beaucoup à dire sur l’authenticité de l’histoire communément admise, à en croire ce savant article écrit par un croyant érudit
[2] Un article de Wikipédia, dont je ne recommande pas la lecture, parvient à démontrer que le mot « djihad » est utilisé dans le Coran presque toujours dans un sens qui laisse supposer qu’il est question de guerre (sainte ?). La supposition repose beaucoup sur les croyances préalables du lecteur... Une excellente réponse à ces savants figure ici
[3] Je ne m’attarderai pas beaucoup non plus sur la confusion entre « effort » et « effort de guerre » bien que la confusion acceptée entre effort et guerre vienne probablement de là. Effort et guerre ne sont évidemment pas synonymes (« guerre de guerre » ne veut rien dire). Pour ceux qui n’en auraient pas compris le sens, l’effort de guerre concerne ceux qui ne sont pas au combat : cet effort-là est grosso-modo synonyme de privations, de travail, de résignation, et il fait appel à la raison, contrairement à la disposition d’esprit qui est demandée aux combattants.