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C’est une révolte ?
mardi 20 septembre 2016, par
J’ai écrit, depuis le 18 février 2011, une série d’articles relatifs à un certain nombre d’évènements politique que je n’ai pas hésité à décrire comme des marqueurs d’une révolution, tout en reconnaissant qu’il était alors audacieux de parler d’une révolution en France. Et, de fait, il a fallu du temps pour que le peuple descende dans la rue. Nous sommes aujourd’hui au moins quatre à avoir dit ou écrit, sous une forme ou sous une autre, que nous vivons une révolution : Jacques Sapir, Thierry Meyssan, Jean-Luc Mélenchon. Je ne peux pas faire moins que réaffirmer : c’est la révolution !
Charité bien ordonnée : je commence par un bref rappel des articles que j’ai écrit sur le sujet, et un résumé des éléments qu’il faut en retenir (laissons de côté les hypothèses les plus fantaisistes...) :
le 18 février 2011, j’écrivais notamment :
« L’attitude de quelques ministres au début de la révolution tunisienne est un des symptômes d’une perte de compréhension totale des événements.(...)Mais peu importe l’étincelle qui mettra le feu aux poudres. Peu importe telle ou telle condition annexe, peu importe l’ordre dans lequel vont vaciller un à un tous les pouvoirs institutionnels du pays. La principale question qui demeure est celle des forces politiques "opérationnelles" et de quels hommes politiques seront assez audacieux pour saisir les événements. Le pouvoir n’est pas dans la rue : il est encore à l’Elysée. Mais il ne repose plus sur grand-chose de stable. »
le 19 janvier 2012 :
« Nicolas Sarkozy, sauf magouille réussie en jouant avec le FN, ne devrait pas être réélu. Et même s’il l’était, il ne pourrait pas influencer le résultat des élections législatives qui vont suivre immédiatement. Dans tous les cas de figure, le prochain gouvernement sera un gouvernement de gauche... (L’on peut objecter maintenant que ce gouvernement de gauche a mené une politique au moins aussi à droite que ceux de Nicolas Sarkozy ; mais bon nombre d’électeurs en 2012 espéraient encore, sinon une politique de gauche, au minimum une sorte d’armistice.) Quoiqu’il en soit, la situation sortie des urnes en ce printemps 2012, ne sera pas une situation stable, et appellera un nouveau processus démocratique : assemblée constituante ou élections anticipée, peut-être les deux... ».
le 22 novembre 2013 : Critique de la fiscalité. j’invite à lire directement l’article, car il n’y a rien à jeter dedans. Je n’avais simplement pas mesuré à quel point les manoeuvres de diversion pouvaient ralentir le processus.
le 2 juillet 2014 : Critique des institutions. Il manquait toujours le peuple à l’appel.
le 31 octobre 2014 : Marc Trévidic s’interroge sur la possibilité d’une révolution en France, tandis que j’écris « Le nombre de signataires pour une 6ème république croît "au rythme prévu", s’amuse Jean-Luc Mélenchon. J’ai envie d’ajouter (mais je l’ai déjà fait !) que le développement de la révolution se fait également "comme prévu", même si le rythme en est plus difficile à prévoir. Je lance un défi aux citoyens amateurs de pronostics politiques : quel sera le casus belli qui provoquera la colère des foules et les fera descendre dans la rue pour réclamer le pouvoir désormais trop mal utilisé par ses dépositaires officiels ? Les paris sont ouverts... »
le 7 avril 2015 j’anticipe un peu trop la « phase 3 » avec un pronostic erroné sur la sortie possible de la Grèce de la zone euro. Je dois préciser à ce propos que le choix par le gouvernement Tsipras de ne pas appliquer son « plan B », quitte à perdre son ministre des finances Yannis Varoufakis, est parfaitement rationnel dans le contexte. La Grèce, si elle avait réintroduit le drachme, aurait été confrontée au problème suivant : les commerçants de droite, opposants farouches au gouvernement Tsipras, auraient exigé d’être payés en dollars plutôt qu’en drachmes. La valeur du drachme aurait plongé, entraînant une hyperinflation. Les salariés n’auraient pas eu d’autre choix que d’essayer de se faire payer en dollar. La Grèce aurait immédiatement perdu la souveraineté monétaire qu’elle essayait de reconquérir et le gouvernement Tsipras, encore plus impuissant qu’il ne l’est aujourd’hui, aurait été vraisemblablement démis par un putsch. Il n’y a rien à regretter. Je conclue par « Le temps est venu pour les peuples d’Europe de dire à leur tour, aux Claude Juncker et Cie : "dégage !" Je fais aujourd’hui le pari qu’ils vont le faire. Sans doute d’abord en Espagne, et qui sait en Allemagne ? mais je ne parierai même pas sur l’ordre. Il est sans importance. » Je n’aurais jamais imaginé que l’Angleterre puisse être un des premiers maillons à craquer !
La suite, c’est pour l’essentiel la grande manoeuvre de diversion du 11 janvier 2015 (qui rend de fait suspect les attentats du 7 et du 9, d’autant plus que l’on sait maintenant le rôle trouble joué par les autorités contre l’élucidation du circuit de fourniture des armes), la rencontre entre un film amateur à l’improbable succès et la manifestation du 31 mars contre la réforme du Code du travail et le mouvement qui s’ensuit et qui, à ce jour, n’est toujours pas terminé.
L’incomprise réaction du peuple français
Le peuple est donc dans la rue. Pas tout le peuple, diront certains ; certes, sa fraction militante prolétaire ou peu fortunée. La majorité silencieuse n’en pense pas moins, diront encore les docteurs Diafoirus. D’autres feront remarquer qu’un nombre impressionnant de sondages vont tous dans le même sens : elle soutient les opposants au projet de loi. La seule chose certaine à son propos est qu’elle se tait et qu’elle ne sait rien faire d’autre.
Cet article étant politique et non sociologique, je ne dirai rien de plus à propos de la majorité silencieuse. Politiquement, on ne l’a avec soi qu’à condition de ne pas contrarier les minorités agissantes.
Le peuple militant de gauche est dans la rue. Quoi de neuf sous le soleil de France ?
Sa détermination. Son obstination même. Déjà 13 manifestations et une participation qui ne faiblissaitt pas avant l’été, et reste bonne pour un mois de septembre. Le peuple militant de gauche est buté : il veut le retrait de cette loi... et même plus. Toute négociation est vaine. Tout amendement est vain. Y compris s’il ne restait presque rien de cette loi. Le peuple militant de gauche exige une victoire totale.
François Hollande, Manuel Valls et les défenseurs sincères du projet de loi, ne comprennent pas. Ils se rassurent en considérant que les congés d’été ont mis fin au conflit, que la loi étant maintenant « passée », la mobilisation syndicale va naturellement s’étioler. Comme la plupart des commentateurs formés sur les bancs de grandes écoles en temps de paix, ils ne regardent que le casus belli et ne voient pas les causes profondes.
La loi Travail n’est qu’une goutte. La goutte qui fait déborder le vase. Et l’eau répandue sur la table ne retournera pas dans le vase simplement en épongeant trois quarts de la goutte ou même la goutte entière.
Il faut lire les déclarations incroyablement candides d’un Emmanuel Macron pour avoir en quelques minutes un bel aperçu des affronts qu’endure depuis quatre ans le peuple militant de gauche. Macron est une caricature. Ni Hollande ni même Valls n’ont osé dire le quart de ce que Macron ose dire. Mais ce qu’ils ont fait avait exactement la même signification. « Peuple militant de gauche, nous t’avons dit que notre ennemi était la Finance. Oh, tu ne nous as jamais cru sincères, mais tu as espéré qu’au moins nous n’oserions pas mener exactement la même politique que nos prédécesseurs, qu’au moins ton engagement pour nous aider à prendre sa place nous obligerait à une certaine retenue. Eh bien, peuple de gauche, regarde ce que nous faisons de notre parole ! Nous n’avons aucune honte, aucun scrupule, aucun état d’âme. Ton respect de la parole donnée ne nous inspire que mépris et nous te ferons boire le calice de ta candeur jusqu’à la lie. Nous défendons les intérêts des plus riches, exclusivement des plus riches ; et quant tu t’avise de mettre en doute notre engagement à gauche, nous opposons à cela que nous accordons le droit aux couples homosexuels de se marier, tout en autorisant l’extrême-droite la plus réactionnaire à manifester dans la rue -et bien sûr, pour elle, pas de répression à coup de grenades ou de flash-ball. Peuple militant de gauche, nous te chierions dans la bouche si nous pouvions le faire ».
Voilà ce qu’endure le peuple militant de gauche depuis quatre ans. Il faut bien admettre, rétrospectivement, que ceci est assez choquant pour l’avoir sonné. Et puis l’on ne peut passer sous silence l’épisode de la manipulation Charlie, journal déjà bien loin de ses valeurs d’origine depuis sa prise de contrôle par Philippe Val et sa rupture avec Siné, mais dont l’aura ancienne avait permis de rassembler derrière une même bannière l’extrême droite islamophobe et une vieille gauche nostalgique de ses années militantes. Il aura fallu un an pour que quelques journalistes consciencieux, le travail brouillon mais brillant d’intuition d’Emmanuel Todd et le « bouche à oreille » d’internet ne commencent à ébranler les certitudes sur les commanditaires réels des attentats et, en tout cas, pour que la farce de la manifestation du 11 janvier 2015 apparaisse comme telle.
Voici donc maintenant le président élu par défaut et le premier ministre qui obtint 6% des suffrages de son propre parti, mis devant la fureur d’un peuple militant de gauche qui n’a plus que des envies de meurtre à leur encontre et se consolera de ne pas pouvoir les réaliser en écrasant dans les urnes le parti-croupion qui continue de les soutenir.
L’incomprise fin de l’Empire
Le référendum britannique pour la sortie de l’Union Européenne est un coup de tonnerre dans un ciel déjà bien chargé. Beaucoup croient encore que ce référendum ne sera pas suivi d’effet, sans comprendre ce qui se passe en réalité.
Je vais commencer par évoquer la position de Thierry Meyssan, même s’il est très inégal dans ses analyses et voit les choses de loin puisqu’il vit aujourd’hui entre le Liban et la Syrie. Il écrit parfois un peu trop vite (lui aussi !) ; par exemple lorsqu’il voit dans le mouvement « Nuits debout » la main de la CIA. S’il avait pris la peine de relire le document « From dictatorship to democracy » de Gene Sharp, édité en 1993 et traduit dans de nombreuses langues, il lui aurait sauté aux yeux que la méthode préconisée visait de façon presque explicite à provoquer des changements de régime dans les pays de l’ex-« bloc soviétique ». Certes, les temps ont changé et les cibles des basses œuvres de la CIA ne sont plus exclusivement les pays « socialistes ».
Mais pourquoi chercher à renverser le gouvernement français actuel alors précisément que son président est un homme de Washington, et qu’il compte en son sein au moins cinq ex-young leaders ?
Manifestement aveuglé par le désir de percevoir une manipulation, Thierry Meyssan en oublie l’essentiel : le mobile. A qui le crime profite ? difficile d’imaginer que ce soit à Washington !
Comment expliquer qu’Alain Finkelkraut, philosophe emblématique en France du choc des civilisations, se soit fait exclure de l’assemblée générale permanente de la place de la République, si le « commanditaire » de ce rassemblement est réellement le parti des néocons états-uniens ?
Quant à l’application du guide de Gene Sharp, manifestement elle laisse à désirer. Quelle est la stratégie globale ? où est la planification stratégique ? l’aide extérieure ? les organisateurs des nuits debout comptent de toute évidence laisser la spontanéité du mouvement opérer, ce que déconseille formellement Gene Sharp.
Bref : Thierry Meyssan s’est planté dans l’analyse du mouvement Nuits debout, mais il faut lui reconnaître parfois de brillantes intuitions. Et, dans le cas du « Brexit », il semble qu’il soit le premier à avoir fait le lien avec une série d’accords importants entre la Chine et l’Angleterre pour faire de la City la première place financière du monde pour le marché en yuan.
L’information n’est pas nouvelle, mais son importance avait échappé à beaucoup de monde, y compris à moi-même bien que j’ai été un des rares à reconnaître le passage au premier rang mondial de l’économie chinoise il y a deux ans (il faut être honnête, d’autres observateurs mieux informés que moi l’avaient remarqué aussi).
Enfin, et même si la chose semble anecdotique, la Russie a mis en oeuvre en Syrie des armes dont l’utilisation n’était pas nécessaire dans ce conflit, mais dont l’utilité diplomatique était claire : dans un conflit conventionnel, la Russie dispose maintenant d’armes contre lesquelles l’armement US ne fait pas le poids. Il n’y a plus d’hyperpuissance militaire capable de dominer le monde sans adversité. A bon entendeur.
Bref : la Couronne, la pairie et la gentry ont compris que les cartes étaient en train de changer de main. Pourquoi demeurer le vassal et suzerain déchu d’un empire sur le déclin, quand une autre puissance montante ne demande qu’à normaliser ses relations économiques avec le reste du monde ? L’Angleterre n’a jamais été très à l’aise avec l’Union Européenne, l’équilibre des puissances en ce début du 21ème siècle ne pouvait que la décider à la quitter.
L’hypothèse que la classe dirigeante britannique ait manoeuvré pour aider son peuple à choisir ce qui l’arrangeait, est plus que recevable.
Thierry Meyssan en tire une conclusion intéressante, qu’il ne développe malheureusement pas, mais qui rejoint mes propres constats évoqués ci-dessus : « les Européens continentaux vont retrouver les questionnements des révolutions française et russe sur la légitimité du pouvoir, et bouleverser leurs institutions ».
Le mur de mensonges se fissure
Les derniers évènements en date, et qui me poussent à précipiter la publication de cet article, sont deux annonces trop lointaines du bruit médiatique pour avoir attiré l’attention, mais aux conséquences considérables dans la manifestation de la vérité :
la première est la publication d’un article, dans une prestigieuse revue de science physique, qui énonce sans ambigüité que l’effondrement des tours du World Trade Center ne pouvait pas s’expliquer par la seule force de gravité et qu’il s’agissait donc nécessairement d’une démolition contrôlée. Autrement dit, quelles que soient les conclusions qu’on en tire par ailleurs, que les autorités ont entretenu un mensonge à ce sujet pendant quinze ans.
la seconde est la révélation, par l’ancien chef de la police anti-terroriste turque lui-même, du rôle joué par Erdogan dans le soutien logistique au faux califat, dit « ISIS » par les anglophones ou « Daèche » par les Français. L’information n’est pas nouvelle, Vladimir Poutine lui-même avait fait des révélations à ce sujet devant l’assemblée de l’ONU, quoique à mots couverts,sans doute pour des raisons diplomatiques. La nouveauté réside surtout dans la source : elle va élargir l’assiette des personnes qui ne douterons plus de la réalité quant à cette armée de mercenaires. L’information tardera à être diffusée par la presse française, mais elle sera peu à peu de plus en plus isolée à cultiver le mythe d’un « Daèche » sui generis.
Ces deux annonces vont dans le même sens : elles vont conduire certains journalistes consciencieux à chercher à en savoir plus et à trouver des fils qui, en tirant dessus, détricoteront tout le manteau des basses oeuvres de l’Empire et de ses vassaux. Dans quelques mois, même les plus fervents défenseurs du mythe déclareront sans honte : « on le savait depuis longtemps ! », comme ils l’ont fait à propos de la fraude fiscale, invitant implicitement ainsi tout le monde à détourner le regard.
(Ajout du 22 septembre) j’ai failli oublier la "surprise d’octobre", à savoir l’annonce par Julian Assange de révélations du rôle d’Hillary Clinton dans la fourniture d’armes au faux califat ("ISIS" ou "Daèche"). La presse française essayera de ne pas en parler, mais ce sera difficile.
Les traitres réagiront en allumant des contre-feux ; mais la précipitation en la matière n’étant pas la meilleure façon de protéger les secrets, ils accumuleront les bêtises qui les feront tôt ou tard prendre la main dans le sac [1].
La trahison valu à Louis Capet, en janvier 1793, d’être condamné à mort et guillotiné. Cette sanction ayant disparu du code pénal, les fauteurs de guerres et de troubles en tous genre en seront préservés. Mais ils ne garderont pas leur place car même la fraction du peuple qui est en accord politique avec leur discours, sera révoltée par leurs actes lorsqu’ils seront révélés au grand jour. Il serait hasardeux de dire que c’est pour bientôt : voici cinq ans que j’ai commencé cette chronique. Mais la boule est dans le toboggan.
[1] En voici une première. La presse a fait preuve d’un aveuglement qui confine au ridicule, mais il y aura d’autres "boulettes" plus difficiles à dissimuler. http://www.presseocean.fr/actualite... Je note au passage que même l’UPR, qui demande une commission d’enquête sur le sujet, parle de "faux drapeaux de Daesh", donnant implicitement une valeur à l’excuse trouvée par les militaires. Les drapeau qu’agitent les supporters de foot sont ils des vrais ou des faux ? Un drapeau n’est faux que lorsqu’il est utilisé dans l’intention de se faire passer pour l’ennemi. Dans le cadre de quel exercice des militaires français auraient ils besoin de se faire passer pour "Daèche", sur notre territoire ?